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IMP 140 Protection de l' Enfance

Accueillir les parents

Procédure d’admission en service d’hébergement et de soin pour jeunes

Maintenir une relation de travail avec les parents d’enfants confiés à un collectif d’accueil et/ou de soin est souvent difficile. Dans ces situations, j’interroge la procédure d’admission. Une rencontre à vivre avec cette conscience qu’elle est le premier soin que le service, l’hôpital procure à la famille et par conséquent à l’enfant. 

C’est donc un temps de soin. Et, fréquemment, c’est le franchissement d’une étape administrative. Les membres de l’institution accueillante semblent préoccupés, en priorité, par la récolte des infos qui leur permettent de construire un dossier en bon élève. En arrière-fond, la légitime pression des gestionnaires et administrations… Alors que le temps des parents est celui d’une douleur, d’une peur d’être méjugés, disqualifiés et peut-être même humiliés par un manque d’empathie. Et peut-être que les difficultés qu’ils rencontrent les mettent, eux aussi, sous pression, et sans doute que le regard porté par leur enfant sur eux leur parait interroger aussi leurs parentalités… Mais plus encore leur attachement, leur amour… des leurres dans tout ça. Les expériences de ces questions vécues dans l’enfance des parents rejaillissent, troublent l’instant présent. Une compréhension qui demande que l’on y apporte toute la sollicitude, la compassion qu’ils méritent. Ici se crée déjà de l’alliance. 

Le ton de ce temps de soin est donné. Ressortent-ils d’un premier entretien avec la conviction qu’ils sont écoutés comme les experts du vécu de la relation difficile qu’ils vivent avec leur enfant. Comment sont-ils envisagés ? La question ne trouve pas réponse dans l’intention du professionnel, mais dans le vécu des parents qu’il convient d’aller chercher avec respect, humanité, compassion et empathie.

Oui, c’est bien sûr, mais le temps est compté ! S’ajoute que la reconnaissance du travail du service ne comptera qu’à la réception des accords de prise en charge des frais de séjours par l’administration.

Sans avoir encore évoqué ce qui est en jeu et comment installer cet espace thérapeutique qu’est déjà le processus d’admission. A cet instant, tous savent probablement ce de quoi on ne parlera pas, comme pour se ménager, comme pour se garantir que l’enfant rentrera dans les délais qu’exige une bonne comptabilité institutionnelle. 

Le taux d’occupation n’inclut pas la démarche d’admission, les règles de subvention ne comptent pas cette étape comme un temps d’aide et de soin. Le « principe de réalité » nous rattrape et nous prive d’accorder toutes les rencontres qui permettent de poser les bases de la rencontre et du travail avec les familles. 

Ces rencontres, en présence d’un clinicien averti, éducateur et/ou psy, sont le temps d’une adhésion, d’un engagement sur un projet commun, un moment de répartition des charges… escamoter cette étape du soin alourdit le poids que le jeune porte, ou, ne permet pas de déconstruire cette idée ancrée dans la famille que le jeune est un empêcheur de tourner en rond, et pour lui, l’admission pourrait devenir un dévouement et/ou une punition de ce qu’il fait endurer à ses parents depuis si longtemps. Escamoter cette étape le fixe dans cette vision erronée qu’il a entendue, interprétée dans les échanges entre professionnels et sa famille et ne permet pas aux parents de reconnaitre l’acte d’amour posé – maladroitement, par les symptômes – par leur enfant depuis si longtemps. Il pourrait bien s’enfermer à notre insu dans cette image construite en famille, qu’il est né puni, et qu’il s’agit là de la voie d’accès à l’amour. Ces hypothèses, je vous les livre à titre d’exemple. Beaucoup d’autres sont possibles. Il est heureux qu’elles se comprennent rapidement dans l’invitation au soin que nous lui faisons. Une confirmation qu’il est entendu, reconnu dans le sens « caché » de ses symptômes. 

Escamoter cette étape, c’est laisser repartir la famille avec cette encombrante idée qu’ils sont envisagés comme ils l’ont toujours été, qu’ils sont mauvais et que leur enfant en est la preuve.

On comprend bien pourquoi ils freinent notre désir de collaboration, pourquoi nous avons l’impression qu’ils la sabotent.

Dans ces rencontres, il arrive que les parents se « réparent » et parfois le déroulement de la procédure d’admission suffira. Bien sûr,  une aide ambulatoire pourrait être nécessaire.

L’économie, dans ces quelques heureux cas est considérable.

Quand au jeune, même s’il rentre dans le service, il a vu se dérouler sous ses yeux la transformation. Il ne sera plus nécessaire de le convaincre que nous ne participons pas à un processus dont lui, avec eux, pense qu’il leur est dommageable… à cause de lui. 

Luc Fouarge

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