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Protection de l' Enfance

Besoin de contact

Réflexion sur l’ « économie des caresses »

Nous avons besoin de contacts pour nourrir la réserve d’énergie dont nous avons besoin afin de nous mettre en œuvre dans la vie.

Ces contacts peuvent être positifs, nourriciers, mais également négatifs, persécuteurs.

Si nous manquons des premiers, nous pourrions bien nous mettre en quête des seconds.

C’est le paradoxe de ces jeunes dits caractériels que nous accompagnons. Ils sont en refus de ce dont ils ont besoin pour bien se développer. Ils semblent régurgiter les « caresses » positives, ces unités de contact qui les alimentent.

Avec eux et leurs proches, avec leurs éducateurs, lorsque j’explore l’économie de caresse qui est la leur, j’utilise la métaphore de la batterie. 

Une borne positive, l’autre négative. L’être humain ne peut fonctionner qu’à la seule condition qu’elle contienne au moins 10 unités de charge. Pas de démarrage en dessous. Unité de charge qui selon leur nature entre par la borne + ou la borne -.

Notre public s’est fort probablement accommodé de remplir sa batterie davantage de négatives que positives. Carences de soins, absence de réponse quand ils sont en contact précocement avec des manques dans les besoins vitaux, violences, cris, humiliations… ainsi ont-ils grandi avec un apport de 1 unité de charge positive et de 9 négatives pour atteindre le minimum de 10 unités.

Processus qui répété durant des années s’installe en système, la borne positive, trop peu utilisée, fait de la corrosion, le passage s’étrangle. La recherche d’unités négatives s’imposant, alors, comme une condition d’existence. 

L’accompagnant, en raison de « vomissements » des « caresses positives » qu’il offre, c’est son métier, c’est aussi son plaisir, cela répond à la question existentielle de sa profession qui le voudrait généreux, y perd son latin, mais voilà qu’il y perd également une source de reconnaissance. Bien malgré lui, il se découragerait et finirait peut-être par détester ces invitations sempiternelles de ce jeune qui vient chercher chez lui des gestes, des paroles, des actes qu’il n’aime pas offrir. Pire, il se découvre dans des attitudes qu’il n’aime pas de lui, et dont il questionne l’origine. Il ne peut quand même pas être si mauvais que cela… et si ce processus auquel il est invité n’est pas identifié par lui, et si les collègues, frileux émotionnellement, le privent de renvoyer ce qu’ils voient, alors c’est tout le service qui devient partenaire du fonctionnement toxique de ce jeune. 

Là, une fois encore, je vous dis que le premier soin est celui de l’équipe à l’égard de son collègue qui répond bien malgré lui à l’ « invitation symbiotique » de ce jeune. Sans ce croisement de regard indispensable, il s’établit un accord non-conscient sur l’échange négatif. Le niveau d’homéostasie est atteint. Éducateur et jeune en ressortent en chargeant leur batterie par la borne négative.  

Il ne sera pas possible d’inverser cette économie de caresses rapidement, paradoxalement cela pourrait être déprimant. D’une économie de 1-9 allons progressivement vers 2-8… et veillons en équipe à ne pas perdre un collaborateur dans cet épisode, ne nous laissons pas enfermer non plus dans cette force particulière qu’a le jeune de venir nous « voler » des caresses négatives inqualifiables qui reproduisent ce qu’il a toujours connu.

Luc Fouarge

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