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Protection de l' Enfance

ASE …vers plus de placement en collectif

ASE – Défections chez les AF et TS

L’accueil chez une assistante familiale n’est plus la modalité de prise en charge la plus fréquente


Fin 2022, 38 % des enfants confiés à l’ASE sont accueillis

 chez des assistantes familiales, contre 56 % à son maximum en 2006. Les établissements habilités constituent, pour la première fois, la modalité d’accueil la plus fréquente (41 % fin 2022). Francetvinfo.fr

Dans le Dpt du Nord, une première expérience ( 2006) d’un nouveau pilotage de l’accueil familial prometteur s’installe sous l’appellation STAF. Une équipe pilote prend forme avec un comité d’accompagnement. 

Objectifs : 

1 – assurer un recrutement des AF dont on mesure déjà qu’il décline, 

– assurer l’accompagnement de celles-ci. Accompagnement que les référents assuraient avec plus ou moins de bonheurs de créativité en raison de la disponibilité de ces derniers qui commencent déjà à plier sous le poids d’un nombre de dossiers qui dépasse les 35 accompagnements d’enfants. C’est le troisième objectif, 

– répondre aux conséquences d’une fatigue professionnelle qui s’exprime déjà à haute voix.  

– Limiter, éviter les mesures de protection dans les collectifs d’enfants de type MECS et de + en +, dans des services du secteur psychomédicosocial type ITEP 

– Limiter les placements en Belgique (pas loin de 3000 dans les secteurs de l’AAJ et du Handicap, SRG et SRJ.

Les 4 et 5 ne sont pas les objectifs évoqués officiellement, considérons-les comme des bruits de couloirs.

Les observations qui suivent ne sont ni scientifiques ni exhaustives. Elles sont le fruit de personnes toujours sur le « terrain » et dont le droit à la parole est libéré. L’ambition de ces réflexions se limite volontairement à commenter le titre de l’article cité.

Aucun de ces objectifs ne fut atteint. Et ces réflexions sont à lire dans un contexte dramatiquement délétère de la protection de l’enfance. Les défections chez les  travailleurs sociaux concernés sont légion. Beaucoup sont en burnout, nombreux sont  en cours de réorientions… si possible, loin des institutions mandatées pour offrir une réponse « soignante » à ces enfants fragilisés et leurs familles. Parmi ceux qui restent, pour beaucoup, le cœur n’y est plus. Les cadres s’épuisent, exportent leurs ressentiments, chargent leurs jeunes collègues de leur propre fatigue et angoisse de ne pas y arriver. Le temps consacré en commission enfance à l’installation d’un processus d’intervision salutaire, nécessaire est galvaudé, inexistant. Solitude et fatigue sont devenues le cancer de l’institution qui devient maltraitante tant à l’égard du public qu’à celui des professionnels et des TS en contrat de formation qui occupent des postes d’absents.

Difficile de témoigner sur l’état des « STAF », on ne les rencontre pas sur le terrain. Quand ils y sont invités en vue d’une activation d’un accompagnement d’un, d’une AF ils déclinent assez souvent. En arrière-fond une compétition malsaine entre STAF et ASE se fait sentir. Difficultés énoncées par les AF auxquelles on prête l’oreille. Et depuis cette installation d’équipes concurrentes les référents regardent ailleurs quand une AF est en dérapage. Contrairement aux objectifs de la formation diplômante des AF celles-ci ne sont pas devenues des « collègues ». Elles ne trouvent pas l’espace d’accompagnement qui leur permettraient de se « décharger » des émotions épouvantables qu’elles ont amené à ressentir face à ces enfants dont la plupart manifestent des troubles de l’attachement, ce qui est « normal » et difficile à supporter. Pas de lieux de dépôt, trop peu de rencontres authentiques dans lesquelles il serait possible de métaboliser ces ressentis destructeurs auxquelles il est difficile d’échapper dans une telle confrontation à des symptômes puissants de loyautés de « comportements d’attachement » qui visent à obtenir le rejet, jusqu’à s’en rendre dégoutant.

L’accompagnement sain des AF nécessite des rencontres dont la culture du « care » est la préoccupation première, tant pour les professionnels, les AF que le public, mais à cette adresse, il n’y a personne. La débrouille est la « règle ». Le silence nécessaire. Tout cela aboutit à un mortel repli sur soi de la part de chacun. Les aspects vocationnels des accueillants, des agents de suivis de placement devenus risibles… de nouveaux symptômes rejaillissent, ceux que la machine institution protection de l’enfance en mode « par défaut » fait naitre.

Ce n’est pas l’objet de nos commentaires, il y a surement des problèmes de reconnaissance, de statut, c’est l’objet d’organisme professionnel et de représentation, ils ne se taisent d’ailleurs pas.  Mais ce métier qui devait être le plus beau du monde ne tient pas ses promesses, les institutions ont cédé.

Les mesure de rendements, les tâches d’évaluations, mal perçues parce que mal implantées n’évaluent pas le rapport mystique, humain, sincère de l’AF, du TS à « la machine » comme le décrirait si bien le psychiatre Christophe Dejours. Il nous dirait le déni de l’institution à l’égard des besoins de soins des personnels que l’on embauche pour prendre soin d’un public blessé.

Luc Fouarge

Guidance familiale, Directeur d’un équivalant ITEP, subventionné en MECS, en Belgique durant 35 ans

 

 

La diminution des placements en famille d’accueil 

Histoire et contingence politique !!

Par Muriel Daniaux, AS durant 20 ans en ASE et TS dans un STAF Pilote

daniaux.muriel@gmail.com

Quasi 20 ans plus tard, à l’aune du constat qui enregistre une baisse considérable des accueils d’enfants admis à l’ASE dans des familles d’accueil, resituons les cadres et dispositifs qui bordurent le dispositif.

Le 27 juin 2005 une loi relative aux assistants maternels et familiaux est votée.

Voici 2 articles importants de cette loi 

Article L421-2

Modifié par Loi n°2005-706 du 27 juin 2005 – art. 5 () JORF 28 juin 2005
Modifié par Loi n°2005-706 du 27 juin 2005 – art. 7 () JORF 28 juin 2005

L’assistant familial est la personne qui, moyennant rémunération, accueille habituellement et de façon permanente des mineurs et des jeunes majeurs de moins de vingt et un ans à son domicile. Son activité s’insère dans un dispositif de protection de l’enfance, un dispositif médico-social ou un service d’accueil familial thérapeutique. Il exerce sa profession comme salarié de personnes morales de droit public ou de personnes morales de droit privé dans les conditions prévues par les dispositions du présent titre ainsi que par celles du chapitre III du titre VII du livre VII du code du travail, après avoir été agréé à cet effet.

L’assistant familial constitue, avec l’ensemble des personnes résidant à son domicile, une famille d’accueil.

 Article L421-16

Version en vigueur du 28 juin 2005 au 01 janvier 2009

Création Loi n°2005-706 du 27 juin 2005 – art. 10 () JORF 28 juin 2005
Création Loi n°2005-706 du 27 juin 2005 – art. 5 () JORF 28 juin 2005

Il est conclu entre l’assistant familial et son employeur, pour chaque mineur accueilli, un contrat d’accueil annexé au contrat de travail.

Ce contrat précise notamment le rôle de la famille d’accueil et celui du service ou organisme employeur à l’égard du mineur et de sa famille. Il fixe les conditions de l’arrivée de l’enfant dans la famille d’accueil et de son départ, ainsi que du soutien éducatif dont il bénéficiera. Il précise les modalités d’information de l’assistant familial sur la situation de l’enfant, notamment sur le plan de sa santé et de son état psychologique et sur les conséquences de sa situation sur la prise en charge au quotidien ; il indique les modalités selon lesquelles l’assistant familial participe à la mise en oeuvre et au suivi du projet individualisé pour l’enfant. Il fixe en outre les modalités de remplacement temporaire à domicile de l’assistant familial, le cas échéant par un membre de la famille d’accueil.

Le contrat précise également si l’accueil permanent du mineur est continu ou intermittent. L’accueil est continu s’il est prévu pour une durée supérieure à quinze jours consécutifs, y compris les jours d’accueil en internat scolaire ou dans un établissement ou service mentionné au 2 du I de l’article L. 312-1 ou à caractère médical, psychologique et social ou de formation professionnelle (1), ou s’il est prévu pour une durée supérieure à un mois lorsque l’enfant n’est pas confié les samedis et dimanches ; l’accueil qui n’est pas continu ou à la charge principale de l’assistant familial est intermittent.

Le contrat d’accueil est porté à la connaissance des autres membres de la famille d’accueil.

Sauf situation d’urgence mettant en cause la sécurité de l’enfant, l’assistant familial est consulté préalablement sur toute décision prise par la personne morale qui l’emploie concernant le mineur qu’elle accueille à titre permanent ; elle participe à l’évaluation de la situation de ce mineur.


(1) la loi 2005-102 2005-02-11 a remplacé au 4e alinéa du présent article les mots  » en établissement d’éducation spéciale  » par  » dans un établissement ou service mentionné au 2 du I de l’article L. 312-1 « .

La présente version de cet article est en vigueur jusqu’au 1er janvier 2009.

L’Aide sociale à l’enfance relevant depuis 1984 et les lois de décentralisation de la compétence des départements, ce sont eux qui eurent la charge de mettre en œuvre ce nouveau dispositif législatif.

Les Assemblées Départementales composées de conseillers généraux élaborèrent pour leur département respectif un plan de travail précisant la mise en œuvre d’outils adaptés et conformes au nouveau cadre légal.

A ce stade, l’on pouvait penser que les bases de travail pour charpenter la professionnalisation de cette activité très particulière de l’accueil familial allaient dans le sens d’une amélioration d’un dispositif impliquant, en premier lieu, des enfants précarisés.

L’assemblée départementale du Conseil General du Nord (le niveau politique auj Conseil Departemental) dans sa feuille de route destinée à son administration, avec au premier chef les DG de l’Action Sociale, de la Famille, de l’Enfance, a préconisé l’expérimentation de la création d’un STAF, service territorial auprès des assistants familiaux.

En janvier 2006, 2 services sont mis sur pied, l’un en métropole lilloise, l’autre dans l’Avesnois.

Précisons l’extrême rapidité de mise en œuvre, 6 mois entre la promulgation de la loi et sa mise en œuvre !

A l’évidence les différents enjeux du dispositif global ont été sous- évalués.

Voici l’analyse que je faisais en 2007,

J’ai été recrutée pour l’expérimentation STAF dans l’Avesnois, territoire vaste et relégué en bout de département, éloigné du centre névralgique décisionnel de la ville de Lille mais disposant du nombre de familles d’accueil le plus important du département (400).

Ma fiche de poste était particulièrement cohérente avec les objectifs affichés de l’expérimentation, à savoir concourir à une professionnalisation accrue de ce corps de métier.

  • Recrutement et évaluation des nouvelles candidatures en lien avec le nouveau cadre légal
  • Suivi des nouveaux professionnels.
  • Suivi ou intervention auprès des AF qui en font la demande

L’objectif avoué de ce service était, à terme de connaitre tous (tes) les AF du territoire, de cerner leurs compétences et éventuelles limites afin d’établir un profil d’accueil que l’on pourrait faire correspondre à la problématique d’1 enfant.

Sur le papier, c’était un peu comme tendre vers l’idéal !

Très rapidement, il m’a fallu déchanter. 

Pas du fait des AF, très dynamiques et très en demande.

Essentiellement  du fait de tous les autres protagonistes du dispositif, référents ASE, chefs de services, direction générale.

Ce fut pour moi une expérience douloureuse et violente.

Sur la base de cette expérimentation qui n’a pas réalisé ses objectifs et qui a échoué dans sa mission,  il a néanmoins été décidé de créer des succédanés de STAF qui n’avaient ni le goût ni l’apparence  du produit initial.

Depuis le début les référents ASE regimbent à considérer l’AF comme un(e)partenaire de travail en appréciant justement et adéquatement l’offre de service qu’il ou elle propose.

Et ce pour des raisons qui tiennent à l’histoire, à l’évolution des pratiques, des métiers, des droits de l’enfant…..mais aussi, particulièrement ces quinze dernières années, pour des raisons pragmatiques de moyens.

Lors de la décentralisation les départements ont récupéré des compétences qui incombaient à l’État sans que la question du financement de ces nouvelles compétences soit gravé dans le marbre.

La charge des départements en matière de protection sociale s’est alourdie, les besoins ont augmenté de manière exponentielle et la solution la plus simple a été celle de réduction de la voilure.

Résultats des courses, bilan des opérations : 

la loi de juin 2005 qui définit un cadre pour la profession d’assistant familial parachève une politique de Protection de l’Enfance qui se voulait qualitative.

Tout n’était pas parfait mais des moyens étaient disponibles pour tendre vers ce que l’on nommait la bientraitance.

Le virage des années 2000 a démantelé cet édifice.

Il en a été fini de ces notions de bienveillance et de bientraitance qu’il convenait de mettre au cœur de nos pratiques.

La bienveillance et  la bientraitance sont des dispositions d’esprit qu’il est impossible d’apprécier d’un point de vue managérial.

Ces compétences essentielles des métiers de « care » n’entrent pas dans les tableaux excell devenus les seuls outils et instruments d’évaluation d’une activité professionnelle.

C’est une dérive sociétale produite par la déviance ultra libérale de notre monde qui produit  des dégâts humains considérables.

Et selon moi, tous les questionnements qui régulièrement font la une à propos de tel ou tel dysfonctionnement de l’ASE relèvent de l’épiphénomène.

La question fondamentale qui permet d’envisager toutes les autres est uniquement politique.

Quelle Protection de l’Enfance voulons nous ? 

Quelle est la situation réelle, objectivée de la Protection de l’Enfance actuelle ?

Les conditions d’une Protection de l’Enfance efficiente sont-elles réunies.

S’agit-il d’assumer clairement que des enfants, des familles vont être laissés sur le bord du chemin avec un solde de tout compte ?

Toutes ces questions sont éminemment politiques et relèvent d’un choix de société.

cfr article ASH du 2/11/2007 N°2529

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