Accompagner des enfants, des adultes avec des troubles du comportement expose les intervenants à se faire toucher dans des zones d’ombre de leur personnalité. Processus normal, difficile à vivre qui rend ce professionnel dépendant de son équipe pour en prendre conscience. Quand ce n’est pas le cas, une réponse sur le mode action/réaction est très probable. Parfois, cette forme d’aveuglement s’empare de toute une équipe, voir d’un service. Ce qui indigne le tiers s’est petit à petit installé en système.
Rien d’anormal toujours. Ce qui le devient, c’est que cette réalité institutionnelle reste en l’état, ne fait pas l’objet d’un travail d’analyse à l’interne ou avec l’aide d’un superviseur. Le service devient vite complémentaire des « pathologies » des personnes accueillies, qui ont tout loisir d’y pêcher des confirmations toxiques de l’image qu’elles ont d’elles-mêmes.
Une complémentarité qui n’est évitée que si la culture institutionnelle permet et soutient ce que les analystes transactionnels décrivent de la confrontation[1] saine.
Hors de cette culture d’entreprise la personne qui s’autorise une telle attitude, indispensable à la construction d’une clinique éducative, est perçue comme le sont souvent les lanceurs d’alerte, menaçant l’équilibre du service. L’équipe se protège plus que les personnes accueillies.
Devenu « lanceur d’alerte » cette personne menaçante pourrait bien faire l’objet d’une inquisition, d’une mise en lumière de ses failles. Elle pourrait bien renoncer à sa démarche, toute salutaire qu’elle soit pour sauver sa peau.
Processus qui « satisfait » l’équipe et leurs encadrants. Les premiers cachant leur inertie, les seconds reculant face au manquement, à la violence dénoncée. Le message empathique dudit lanceur d’alerte dévie les uns et les autres de réalités désagréables, insupportables.
J’observe ces dérives, ces dérapages dans les services où les valeurs d’engagement, de courage sont ringardisées, on y dit même qu’elles sont des instruments d’exploitation des « boites[2] ». L.F.
[1] Confrontation saine : je te donne à voir de toi ce que tu ne peux voir de toi-même, je t’en fais cadeau.
[2] Boite : vocabulaire largement utilisé dans des services perdent le sens de « prendre soin ».
Les personnes accueillies doivent alors se résoudre à se faire mettre en boite, les soignants s’adressent à des objets. Une déshumanisation qui « autorise » la « chosification » des personnes ou enfants accueillis.