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Protection de l' Enfance

Protéger de la protection de l’enfance

Protéger de la protection de l’enfance 

Des rencontres de guidance familiale complexes

TS de l’ASE, Tribunal, AEMO, MECS, CMP sans le savoir, sans le vouloir, risquent d’amplifier des problématiques rencontrées au sein de la famille, et dans ses rencontres avec les services généraux… 

« Rien à perdre »… long métrage de Delphine Doliget, avec Virginie Efira dans le rôle de la mère. Jetons-y un œil.

À la demande du parquet, le retrait de l’enfant est ici une réponse surdimensionnée. Elle  cristallisera une situation qui nécessitait, certes, une réponse. Il ne fallait pas 3 jours pour faire un premier diagnostic et des propositions d’accompagnement, pour autant qu’elles fussent nécessaires.

Au décours du film, on découvrira que le démarrage de cet accompagnement est probablement impulsé  par le réveil de vieilles douleurs de la TS. 

Par la suite, il est permis de penser que le magistrat est en résonance avec cette émotion perceptible, mais non dite.

Tous s’y blessent.  Le fils aggrave la blessure de l’absence de son père.  La mère est empêchée d’exprimer ses compétences à protéger, à aimer et sécuriser son fils.  La travailleuse sociale réactive sa propre blessure. L’épisode dérive dans un réel insupportable pour elle(s), pour tous les protagonistes de cet accident.

La persécution qui s’ensuit, abime chacune des personnes, y compris les professionnels. Une analyse du contre-transfert en action ne fait pas l’objet d’un travail. Il s’agit là pourtant d’un processus très humain et normal. Famille, Justice, TS de la protection de l’enfance, y compris les accueillants sont tous égratignés par cette forme de précipitation sur la solution. Action-réaction pour juguler des émotions « malvenues ».  Tous ont tous la hantise de la demande de placement qui arrive le vendredi à 17:00 et qu’il faut traiter en s’accommodant de l’angoisse, soit en la banalisant, soit en la méconnaissant (processus actif et non-conscient de non-connaissance). Agirait-on pour dormir tranquillement ?

Tant à l’interne de l’institution que dans l’inter-institutionnalité, la tiercité circulante ne s’est pas exercée. Croisement de regards qui n’est pas dans le contrat d’engagement des uns et des autres. J’évoque l’impérieuse nécessité d’une culture de la relation de travail qui soutient chacun dans le don et le recevoir, d’un cadeau de « je t’offre à voir de toi ce que tu ne peux pas voir de toi ». Un cadeau qui demande un supplément de proximité entre intervenants que les hiérarchies, les modus vivendi institutionnels, interdiraient.

Cette attitude aurait apaisé les inquiétudes. Et si besoin, un séjour bref chez un membre de la famille, TDC, permettait d’évaluer, de « diagnostiquer ». 

La brutalité de l’intervention augmente considérablement la méfiance à l’égard des organes de protection, les TS qui en sont en charge deviennent des menaces desquelles il faut se protéger. La construction d’une alliance autour d’un projet dans lequel la famille est active est devenue impossible. 

Les autorités Justice, Enfance Famille, Santé mentale, Education, Lieu de vie, psychmédicosocial … doivent se retrouver pour exercer le tricotage de réseau qui permet de faire le pas de côté qui protège les familles et les enfants. (Ce qui se pratiquait dans le Nord sous l’appellation CTT, Commission Technique Territoriale, véritable lieu de tricotage, de pratiques de réseau, expérimenté durant près de 20 ans, efficacement dans l’Avesnois) 

Il convient de prendre en compte comme un travail nécessaire ce croisement inter-institutionnel qui suscite beaucoup de frilosités. Quoi de plus normal quand il est question d’échanger sur les phénomènes normaux connus tels que transfert, contre-transfert, résonance, épi-scénario (AT), triangle dramatique… pour de vraies rencontres humaines dans la « bonneveillance » qui protège les intervenants et le public. Protéger, c’est donc, en priorité, protéger les intervenants.

Luc Fouarge

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