Une démarche contenante, » tu es le.a bienvenu.e avec toutes tes émotions » dans une équipe qui s’engage à donner, à recevoir, en cadeau, » Je t’offre à voir de toi ce que tu ne peux voir de toi » dans laquelle toute l’équipe « mouille sa chemise… et si besoin, la suite sera envisagée dans une démarche individuelle. Un rapport à l’éthique, à la responsabilité soutenu par toute l’institution et par les financeurs qui reconnaissent la nécessité de ce temps d’élaboration, en interdisciplinarité, le besoin spécifique de ces équipes.
Catégorie : IMP 140
Autorité, contenance…
La procedure d’admission
Ajoutons l’attention que nous devons consacrer à l' »espace thérapeutique ». Un lieu qui parle, qui dit au public l’attention que nous lui portons, de la considération que nous avons pour lui. Espace de confort, sans cette table ou ce bureau derrière lequel il se sent invité à écouter. Quelques sièges confortables, une table basse garnie de quoi partager un café, un verre d’eau, un biscuit. Quelques gestes et paroles de bienvenue qui invitent au bien-être et qui soient le reflet de l’attitude que chaque personne qu’ils croisent avant d’entrer dans ce salon. Sans empressement, sans mettre en avant les conditions administratives et réglementaires nécessaires à la prise en charge. Vous et moi, d’abord… parce que nous sommes des personnes
Dans les commissions enfance de l’ASE, le temps ne donne pas la place à cet échange en équipe qui vise le « prendre soin » des TS à travers la relecture du moment passé avec le public.
Dans les services et les institutions, le plus souvent, la capacité contenante du chef de service, non initié à cette dimension, n’autorise pas cette culture que je qualifie d’intervision.
Un des sentiments les plus exprimés est la solitude. Sentiment qui freine l’acte de penser l’action éducative sous le regard bienveillant de l’équipe. Cela conduit progressivement à la défection des TS….ou, à son blindage qui conduira au CM.
En présence et avec le soutien des cadres, la supervision installe l’exercice de la fonction tiers, fonction phorique dirait le Dr Delion.
Empathie et soin
Accompagner des enfants, des adultes avec des troubles du comportement expose les intervenants à se faire toucher dans des zones d’ombre de leur personnalité. Processus normal, difficile à vivre qui rend ce professionnel dépendant de son équipe pour en prendre conscience. Quand ce n’est pas le cas, une réponse sur le mode action/réaction est très probable. Parfois, cette forme d’aveuglement s’empare de toute une équipe, voir d’un service. Ce qui indigne le tiers s’est petit à petit installé en système.
Rien d’anormal toujours. Ce qui le devient, c’est que cette réalité institutionnelle reste en l’état, ne fait pas l’objet d’un travail d’analyse à l’interne ou avec l’aide d’un superviseur. Le service devient vite complémentaire des « pathologies » des personnes accueillies, qui ont tout loisir d’y pêcher des confirmations toxiques de l’image qu’elles ont d’elles-mêmes.
Une complémentarité qui n’est évitée que si la culture institutionnelle permet et soutient ce que les analystes transactionnels décrivent de la confrontation[1] saine.
Hors de cette culture d’entreprise la personne qui s’autorise une telle attitude, indispensable à la construction d’une clinique éducative, est perçue comme le sont souvent les lanceurs d’alerte, menaçant l’équilibre du service. L’équipe se protège plus que les personnes accueillies.
Devenu « lanceur d’alerte » cette personne menaçante pourrait bien faire l’objet d’une inquisition, d’une mise en lumière de ses failles. Elle pourrait bien renoncer à sa démarche, toute salutaire qu’elle soit pour sauver sa peau.
Processus qui « satisfait » l’équipe et leurs encadrants. Les premiers cachant leur inertie, les seconds reculant face au manquement, à la violence dénoncée. Le message empathique dudit lanceur d’alerte dévie les uns et les autres de réalités désagréables, insupportables.
J’observe ces dérives, ces dérapages dans les services où les valeurs d’engagement, de courage sont ringardisées, on y dit même qu’elles sont des instruments d’exploitation des « boites[2] ». L.F.
[1] Confrontation saine : je te donne à voir de toi ce que tu ne peux voir de toi-même, je t’en fais cadeau.
[2] Boite : vocabulaire largement utilisé dans des services perdent le sens de « prendre soin ».
Les personnes accueillies doivent alors se résoudre à se faire mettre en boite, les soignants s’adressent à des objets. Une déshumanisation qui « autorise » la « chosification » des personnes ou enfants accueillis.
Procédure d’admission en service d’hébergement et de soin pour jeunes
Maintenir une relation de travail avec les parents d’enfants confiés à un collectif d’accueil et/ou de soin est souvent difficile. Dans ces situations, j’interroge la procédure d’admission. Une rencontre à vivre avec cette conscience qu’elle est le premier soin que le service, l’hôpital procure à la famille et par conséquent à l’enfant.
C’est donc un temps de soin. Et, fréquemment, c’est le franchissement d’une étape administrative. Les membres de l’institution accueillante semblent préoccupés, en priorité, par la récolte des infos qui leur permettent de construire un dossier en bon élève. En arrière-fond, la légitime pression des gestionnaires et administrations… Alors que le temps des parents est celui d’une douleur, d’une peur d’être méjugés, disqualifiés et peut-être même humiliés par un manque d’empathie. Et peut-être que les difficultés qu’ils rencontrent les mettent, eux aussi, sous pression, et sans doute que le regard porté par leur enfant sur eux leur parait interroger aussi leurs parentalités… Mais plus encore leur attachement, leur amour… des leurres dans tout ça. Les expériences de ces questions vécues dans l’enfance des parents rejaillissent, troublent l’instant présent. Une compréhension qui demande que l’on y apporte toute la sollicitude, la compassion qu’ils méritent. Ici se crée déjà de l’alliance.
Le ton de ce temps de soin est donné. Ressortent-ils d’un premier entretien avec la conviction qu’ils sont écoutés comme les experts du vécu de la relation difficile qu’ils vivent avec leur enfant. Comment sont-ils envisagés ? La question ne trouve pas réponse dans l’intention du professionnel, mais dans le vécu des parents qu’il convient d’aller chercher avec respect, humanité, compassion et empathie.
Oui, c’est bien sûr, mais le temps est compté ! S’ajoute que la reconnaissance du travail du service ne comptera qu’à la réception des accords de prise en charge des frais de séjours par l’administration.
Sans avoir encore évoqué ce qui est en jeu et comment installer cet espace thérapeutique qu’est déjà le processus d’admission. A cet instant, tous savent probablement ce de quoi on ne parlera pas, comme pour se ménager, comme pour se garantir que l’enfant rentrera dans les délais qu’exige une bonne comptabilité institutionnelle.
Le taux d’occupation n’inclut pas la démarche d’admission, les règles de subvention ne comptent pas cette étape comme un temps d’aide et de soin. Le « principe de réalité » nous rattrape et nous prive d’accorder toutes les rencontres qui permettent de poser les bases de la rencontre et du travail avec les familles.
Ces rencontres, en présence d’un clinicien averti, éducateur et/ou psy, sont le temps d’une adhésion, d’un engagement sur un projet commun, un moment de répartition des charges… escamoter cette étape du soin alourdit le poids que le jeune porte, ou, ne permet pas de déconstruire cette idée ancrée dans la famille que le jeune est un empêcheur de tourner en rond, et pour lui, l’admission pourrait devenir un dévouement et/ou une punition de ce qu’il fait endurer à ses parents depuis si longtemps. Escamoter cette étape le fixe dans cette vision erronée qu’il a entendue, interprétée dans les échanges entre professionnels et sa famille et ne permet pas aux parents de reconnaitre l’acte d’amour posé – maladroitement, par les symptômes – par leur enfant depuis si longtemps. Il pourrait bien s’enfermer à notre insu dans cette image construite en famille, qu’il est né puni, et qu’il s’agit là de la voie d’accès à l’amour. Ces hypothèses, je vous les livre à titre d’exemple. Beaucoup d’autres sont possibles. Il est heureux qu’elles se comprennent rapidement dans l’invitation au soin que nous lui faisons. Une confirmation qu’il est entendu, reconnu dans le sens « caché » de ses symptômes.
Escamoter cette étape, c’est laisser repartir la famille avec cette encombrante idée qu’ils sont envisagés comme ils l’ont toujours été, qu’ils sont mauvais et que leur enfant en est la preuve.
On comprend bien pourquoi ils freinent notre désir de collaboration, pourquoi nous avons l’impression qu’ils la sabotent.
Dans ces rencontres, il arrive que les parents se « réparent » et parfois le déroulement de la procédure d’admission suffira. Bien sûr, une aide ambulatoire pourrait être nécessaire.
L’économie, dans ces quelques heureux cas est considérable.
Quand au jeune, même s’il rentre dans le service, il a vu se dérouler sous ses yeux la transformation. Il ne sera plus nécessaire de le convaincre que nous ne participons pas à un processus dont lui, avec eux, pense qu’il leur est dommageable… à cause de lui.
Luc Fouarge
Pas de soin sans joie
C’est de cet instant où nous découvrons que nous faisons mieux ce que nous faisions déjà bien que naît la joie.
Développer la joie dans l’accompagnement des jeunes « placés », hospitalisés… bref, en collectif, est un sacré challenge. Difficulté liée à la nécessité de travailler en équipe, en roulement, à des horaires souvent inconfortables. Mille obstacles organisationnels forcent des concessions aux désirs des uns et des autres, autant de risques de frustrations.
C’est donc dans une interdépendance qui impose à chacun de ses membres de partager des objectifs, des moyens, des procédures dans lesquelles chacun abandonne un peu de ses vues personnelles. Une construction de culture commune s’impose. Une gestion du commun qui confronte les références de chacun, dans une tentative d’établissement de références communes, sécurisantes, protectrices.
C’est grâce au regard d’un équipier qui nous montre à voir de nous ce que nous ne pouvions voir de nous que nous faisons ce saut qui augmente la qualité de notre intervention, qui nous met en joie.
Être envisagé par un adulte en joie permet aux jeunes que nous accompagnons de goûter, parfois pour une première fois, au fait d’en être la source. Une nouvelle construction de soi, de l’image que le jeune se fait de lui, un accès dans la dignité et le respect de l’autre, de sa puissance d’agir, malgré tout ce qu’il entendit dire de lui.
C’est un soin dont nous ne connaissons pas la mesure. Ces effets sur le jeune alimentent le processus d’expérience de la joie.
Découvrant cette expérience heureuse dans le regard de l’adulte, il découvre son pouvoir d’agir, il expérimente l’empathie. Il s’humanise dans cette découverte d’être le sujet de la joie de l’adulte. Cette découverte le soigne et pourrait bien le mettre à son tour en joie.
Je vous laisse deviner ce que produit sur lui l’humeur « hostile » d’un adulte en proie avec un climat d’une équipe chargée en ressentiments.
Souvent, très tôt ces enfants ont du se spécialiser dans l’observation, le diagnostic…pour anticiper, contrôler, éviter les coups.
Accueillir un éducateur, un intervenant qui vit un malaise, une révolte, un sentiment d’injustice, invite le jeune à faire usage de ce don. Hélas, il s’attribue souvent la cause du mal-être de l’adule et se suradapte à cette intention qu’il attribue à l‘intervenant. Monter le curseur d’un symptôme a toujours fonctionné.
Au minimum, le jeune s’assigne la tâche de distraire l’adulte
Cette humeur particulière ne sera probablement pas décodée par le jeune comme ne lui appartenant pas. Il y trouvera sans doute que le monde est pourri et qu’il est lui-même pourri, croyance qu’il « apprit » jadis à lire le monde qui l’entourait. Ses tentatives de « gérer » ce monde par ce que nous avons appelé résistances et symptômes le tienne à distance des intervenants. Il se protège.
C’est la puissance de ce soin évoqué plus haut qui permet l’ouverture d’une brèche.
A cet égard, la tâche prioritaire de l’équipe, soutenue par ses cadres et la direction sera de veiller aux conditions qui conduisent plus facilement chacun dans l’expérience de la joie. Le croisement de regards des différents métiers qui assurent cet accompagnement, en assure le succès.
Et maintenant, nous pouvons mettre en œuvre le projet thérapeutique qui s’est nourri de cette interdépendance. Ainsi débute la thérapie institutionnelle.
Les tentatives de mise en œuvre des projets personnels, des plans thérapeutiques les plus élaborés sont voués à l’échec si l’équipe s’épuise dans les « ressentimentalisations » des incidents organisationnels, relationnels… si normaux dans le travail d’équipe. Tout un processus, un système implicite à lire sous la lumière des concepts de résistance, de résonnance, d’homéostasie. Machinerie infernale que ces jeunes connaissent et qu’ils mettront en œuvre, « respectant » ainsi leur famille dont ils ont vu l’inconfort face à des regards « intrusifs »
C’est après le soin que s’offre le service que se construit son potentiel soignant. Le « travail clinique » suit.
Ce que je mets sous l’image de la machinerie est un processus humain, normal, mais inefficace et qui fait courir à tous le risque de l’épuisement.
N’en rajoutons donc pas, ouvrons les yeux dans la bonneveillance et passons de la culpabilité à la responsabilité. Remettre 1000 X cet ouvrage sur le métier, au vu des difficultés à vivre que nous rencontrons, est normal, tout comme l’impression de s’y perdre, ou d’y perdre son temps. Ce principe de réalité du travail institutionnel, tout usant qu’il puisse apparaitre, est une des conditions nécessaires de la clinique, de la thérapie institutionnelle.
Luc Fouarge
Face au symptôme, la culture institutionnelle
C’est à partir du changement qu’opère l’intervenant, le soignant sur lui-même que le jeune fait un pas de côté. Ainsi naît le changement. Bien plus que dans l’écoute qu’il ferait de la parole de son éducateur, du « contrat » qu’on lui assignerait pour amorcer le changement.
Ce n’est possible que si l’éducateur ne se laisse pas enfermer dans les projections. Celles du jeune qui se défend, qui détourne la bonne attention par des symptômes, adresse à l’éducateur. De lui, il craint les désirs, de le faire changer. Derrière tout cela, les phénomènes normaux de transferts, contre-transfert, résonances…
C’est d’abord là que se construit l’articulation entre les intervenants individuels, psychologues, psychomot, logopède… de l’institution de soin pour enfants qui utilisent la quotidienneté dans le collectif comme base de travail thérapeutique.
Le soin naîtrait de cette aisance à échanger dans l’équipe ces regards qui permettent de dire à l’un ce qu’il ne peut voir de lui, à la condition que l’énoncé lui soit offert dans une communication bienveillante.
Vous le comprenez, il est illusoire de prétendre au soin si l’institution n’entre pas dans cette culture de cadeau de « confrontations » saines comme le disent les analystes transactionnels.
Les éducateurs sont souvent les plus proches de ces phénomènes, ils calibrent, ajustent la construction d’une contenance soignante si chacun assume sa fonction de regarder, d’être regardé, dans la bonneveillance, dans le croisement de regards. Échanges des savoirs, des savoirs faire et, c’est là que généralement se constatent les dérapages, dans des savoir-être en perpétuelles adaptations. Les éducateurs en milieu thérapeutique collectif sont la cible privilégiée des mécanismes de défenses des jeunes qui « poussent » à la faute pour se protéger du changement.
Rappelons-nous que la dynamique défentielle, non-consciente, amène le jeune expérimenté à l’observation des adultes en vue de les « contrôler ». Il le fallait pour anticiper le risque de prendre des coups, jadis, ils ont appris comment faire entrer toute l’institution dans l’homéostasie.
C’est seulement au bout de ce cheminement entre intervenants qu’il sera possible de mettre en action des projets thérapeutiques pour chacun… et si besoin, pour les intervenants aussi.
Luc Fouarge
Prendre soin des vulnérabilités du jeune sera possible si nous avons pris soin de nos institutions
Collectifs pour jeunes en difficultés sociales, psychologiques, psychiatriques, troubles du comportements (IMP 140, SRG, ITEP, MECS, UEHC, Equipes mobiles, Hospi enfants-ados…)
Il faut offrir aux intervenants, dans la transversalité et l’interdisciplinarité, le temps, le lieu et la contenance qui favorise l’indispensable travail de métabolisation des phénomènes transférentiels, des résonances, des émotions…sans cela la pathologie dirige la rencontre et le soin cède, conduit à l’épuisement, aux défections….ce qui va à l’encontre de la permanence, de la contenance
Évoquer les vulnérabilités, c’est parler de ce qui est exposé à recevoir des blessures.
Dans des services en accueil collectif et ambulatoire, ces services accompagnent des jeunes particulièrement vulnérables.
Par échos, ces vulnérabilités touchent non seulement son public et les familles qui nous les confient, mais aussi nos organisations, nos intervenants. Cynthia Fleury, dans une conférence proposée à la faculté de médecine de Sorbonne Université invite à porter notre regard dans les dimensions ontologiques (épreuve, naissance, accident …) dynamiques et dialectiques (sociale, culturelle, politique, économique, juridique) mais aussi des fragilités planétaire, anthropocène, systémique.
La clinique que développent nos services s’inscrit et inter-réagit dans ces dimensions. Sans accepter cette complexité, ces transversalités nous pourrions mettre le focus sur le symptôme. Et dès lors augmenter la charge qui pèsent sur le public et les familles. Dans ces cas, nos services deviennent des caisses de résonnances, des amplificateurs des troubles qui nous conduisent ces jeunes. Si nos approches cliniques sont institutionnelles, éthiques et politiques, elles épargneront ces jeunes du devoir de se défendre, de se défaire d’une charge émotionnelle qui pèsent injustement sur leurs épaules endurcies. Ils sont souvent pris dans une spirale de vulnérabilités auxquelles ils sont davantage exposés que d’autres.
Cela nous invite à considérer que le prendre soin de l’institution, de ces intervenants précède celui du « care » qu’elle voudrait offrir à ces jeunes.
Et si le prendre soin émergeait d’un dialogue entre les vulnérabilités des intervenants et celles des jeunes et de leurs familles. Comme s’il résultait de l’écoute solidaire de nos manques, carences, obstacles, nos ressentiments. Un processus ou l’un montre à l’autre le chemin de l’empathie, l’ouverture à l’altérité. Une position basse qui laisse l’autre expérimenter que le regard sur soi-même ouvre l’espace du possible, la jubilation d’être révélateur pour l’autre. Une voie qui ne sera possible que si le service qui nous engagé dans cette danse est organisateur du « care » qui résiste aux forces limitantes des logiques gestionnaires. Une vulnérabilité dans laquelle nous pousse la course à la performance, à la mesure, aux chiffres et qui nous entrave par un travail de « reporting » si encombrant qu’il grappille le temps de la rencontre.
Il y aurait une symétrie entre les précarités, les carences originelles des jeunes et ce temps qui se réduit sous ces tâches. Il manquerait au prendre soin le temps de se vivre. Là, les vulnérabilités s’expriment à l’unisson.
Le temps de rencontre des équipes, dans l’interdisciplinarité, au sein de l’institution est souvent raboté. C’est un point de vulnérabilité majeur de nos services.
Une homéostasie, qui sous des allures « apaisantes », laissent un goût amer dans le vécu de chacun, qui dans la reproduction prépare l’épuisement professionnel et fixe le jeune dans l’ « usage » de son symptôme.
La vulnérabilité la plus difficile serait donc celle de nos complémentarités inconscientes entre failles dans la contenance, le (non)exercice de la tiercéité dans l’équipe d’une part, de la reproduction du « connu » et maitrisé chez le jeune, d’autre part.
Le prendre soin serait ainsi de se mettre à l’écoute des évènements en commençant par l’équipe. Le faire à l’envers nous fait courir le risque d’utiliser la problématique du jeune pour à travers elle, tenter illusoirement de gérer la dynamique de l’équipe, sa communication, sa capacité contenante. Cela me fait dire que le « care » applique le « Moi, d’abord » pour s' »autoriser » à parler diagnostic et plan de traitement.
Les conflictualités non acceptées au sein d’un service deviennent sa plus grande vulnérabilité. En sortir nécessite que cette exploration se déroule dans l’interdisciplinarité et dans la « bonneveillance ». Ayant trop souvent connu vécu dans un climat d’hostilités, de violences entre adultes… notre public a expérimenter un sens de l’observation aiguisé…parfois, c’est une question de sulrvie…ils sont devenus experts dans le repérage des failles.
L’explosion d’un symptôme d’un jeune nécessite l’analyse, en priorité, de notre fonctionnement avant de tenter de décoder l’expression d’une surréaction de ce jeune dans ses troubles du comportement.
Je crains que cette étape, surtout s’il a été question de comportements agressifs peut-être même violents à l’égard d’un membre de l’équipe, soit shuntée.
Etape qui sera souvent shuntée. Une grande partie de l’équipe, dans une attitude que l’on qualifierait de contre-transférentielle, pourrait bien demander la ré-orientation du jeune.
Ce processus pourrait bien être la vulnérabilité la plus grande de nos services.
Celle du jeune consiste souvent à de reproduire dans le service les mécanismes qu’il a longtemps expérimentés dans sa famille.
Si nous entamons la réunion clinique par l’analyse des failles que très normalement une institution vivante présente, le décodage du comportement du jeune deviendra plus aisé.
C’est de cette circularité, cette symbiose que nous offre à voir la nature, in la « Troisième voie du vivant » d’Olivier Hamont que nous nous inspirons, sans le savoir. Il y est question de nous modifier pour permettre le changement du jeune. L’arbre que l’on déplace, permet à ceux qui l’entoure de modifier leur développement. Une observation de la circularité et de la coopération qui nous équipe mieux pour faire face aux instabilités, aux incertitudes…et qui sort le jeune de la position enfermante du « patient désigné », qu’il faudrait guérir de ses blessures, aguerrir de sa vulnérabilité.
. Le public des jeunes en difficultés psychologiques, avec troubles du comportement, a bien souvent développé des compétences particulières, un sens aigu de l’observation des failles, qui anticipe les risques de « coups ». Ils nous « sculpent » comme partenaires de l’homéostasie. Voir venir ces «invitations symbiotiques » -AT- nécessite qu’à l’interne du service, avec les partenaires, on entre dans une culture d’échanges de « confrontations » saines. Le « care » de ces jeunes passe par un travail sur la culture d’équipe et interinstitutionnelle. Un préalable tout aussi important que la désinfection des personnes qui œuvre en salle d’op. Un travail « en réunion » raboté par les urgences qu’ils nous présentent et nous « précipite » sur les symptômes ». Éviter les « proximités » que requiert cette culture du « prendre soin » est devenu une vulnérabilité commune de notre public et de nos services. L’épuisement professionnel en est le prix !
Luc Fouarge