Catégorie : Société
Le virus n’est pas la cause d’une fuite des travailleurs psycho-sociaux, il est peut-être la goutte…
Des départs se constatent depuis bien avant la crise. Interrogé sur cette question, une personne qualifiée dans des fonctions éducatives et de chef de service plus tard m’en dit ceci ; “ Le modèle managérial, en lien avec la taille de l’institution, s’efforce à adopter des conduites, concepts liés à l’entreprise à finalité commerciale”.
Le management descendant estropie le temps consacré à l’élaboration des pratiques. Privé de ce temps de co-construction, Cfr Michel Foudriat, le croisement des regards dans l’institution diminue lui aussi. Or, c’est dans ces instants que se métabolisent les ressentis, les émotions à l’égard des situations des personnes accompagnées et c’est aussi celui de la construction du SENS. Les sociologues, psychologues… qui se sont penchés sur l’étiologie du burnout nous enseignent que la perte de sens est le facteur majeur en cause dans l’épuisement professionnel.
Les « nécessités » de contenir, comprimer les dépenses réduisent ces temps de “travail en chambre”. Des compétitions malsaines apparaissent dans ces services privés de ces temps d’échanges. Il me semble qu’il s’accroît avec la taille des institutions sociales ou de santé. Les équipes ressentent le stress des cadres, elles les subissent et sont en délicatesse pour l’évoquer. Un sentiment d’omerta s’installe et grignotte…
Dans nos secteurs de la santé, de l’éducation spécialisée, de l’accompagnement social les processus d ‘évaluation sous tendants des objectifs de rendement amenuisent ces temps de “perlaboration” en équipe des agressions émotionnelles que vivent les TS desquelles les approches en relation d’aide nous enseignent que nous sommes partie du problème, que nos émotions sont des indicateurs utiles pour exercer dans ces métiers.
Est-ce cela que voulait dire Joseph Rouzel lorsqu’il évoque “l’impossible éducatif” ? Une autre personne concernée par ce choix de départ me confiait: “De la place où je suis je ressens fort bien l’insensé de ce que doit être un impossible labeur”
Le covid n’a fait qu’augmenter un mal être déjà existant en espaçant les temps de réunion dans les équipes.
Luc Fouarge
L’école a pour mission de transmettre des savoirs et structurer le temps des jeunes. C’est évident. Ils se construisent de ces missions. Aujourd’hui la pandémie met en évidence la dimension de la construction psychologique qu’on attend de l’école.
Particulièrement après les déclarations des services pédo-psy, le débordement des consultations psy, l’augmentation des suicides… « On » attend, aujourd’hui, que l’école participe au soin. Cette attente demande que les enseignants soient soutenus dans cette dimension de l’Education pour qu’elle intègre la bonne attention que l’état psychique des jeunes requiert.
Voilà que de l’école, la culture, les sports et les mouvements de jeunesse nous attendons qu’ils, elles accueillent cette charge émotionnelle que retiennent jeunes en manque d’extérieur à la famille.
Ces réponses nécessitent que nous les pensions dans la transversalité des autorités politiques et administratives, dans l’interdisciplinarité. Offrir aux enseignants un accompagnement dans l’exercice de cette accueil est devenu primordial.L.F.
#Educateur ….accompagnateur… TS…
Un peu en vrac…à la suite d’échanges sur les réseaux
Éducateurs, c’est ainsi qu’on nomme ces professionnels aimants qui accompagnent le quotidien des personnes adultes porteuses d’handicap(s).
Une dénomination qui installe la rencontre dans une infantilisation de la personne.
Comme si la réponse à la dépendance en fait des personnes « régressées ».
Dès lors les humiliations s’enchainent, les attentes se multiplient, la personne se tasse sur elle-même et rentre dans une conformité qui transforme cette noble tâche en asservissement. Et la voilà patiente. Que peut faire d’autre cette personne que d’abandonner l’expression de sa citoyenneté quelle que soit la taille de sa contribution, fusse-t-elle celle du colibri qui apporte aux pompiers sa goutte d’eau pour éteindre le feu ravageur de nos horizons.
Cette idée que certaines personnes auraient besoin d’être éduquées pousse le professionnel dans les positions hautes. De nombreuses fois il rencontre ainsi la « demande » de la personne de se laisser porter, guider… ce qui sera limitant si cet accord implicite perdure au-delà des besoins de la personne. Cela pourrait peser sur le travailleur social qui s’en défendrait. Il pourrait alors devenir rejetant… ou peut-être est-ce dans le rejet qu’elle serait alors perçue. Cet instant s’appelle « la prime ». Elle confirme les positions initiales, de façon désagréable, toxique même de l’une et de l’autre. Une participation des deux dans une méconnaissance, une « complicité » qui dés-sert les deux.
Attirer l’attention sur les postures. Elles en disent long sur la façon d’envisager l’autre, sur la place qui lui est faite, sur un langage limitant, enfermant dans ces postures…. Les réponses doivent se construire dans la transversalité et surtout, avec les personnes accueillies. Finalement, ne sont-ce pas elles, ces personnes, nos employeurs ?
Sommes-nous prêts à accueillir ce que ces personnes nous enseignent sur nous-même, sur la bonne façon de les accompagner ? C’est dans ce « return », dans l’écoute des résonances que nous augmentons nos qualités d’accompagnant, de soignant…
Avec des jeunes, Le Dr Botbol , pédopsychiatre propose que l’éduc se tienne un peu en retrait, derrière le jeune et l’accompagne dans ses nouvelles expérimentations, et de le laisser jubiler du résultat. Lui laissant engranger les gains de ses succès comme le seul auteur. Cela demande à l’éducateur, une forme de discrétion, et l’humilité qui l’envoie jubiler à son tour dans son for intérieur, dans son équipe… Ainsi le jeune se recrée, se crée une image de soi qui l’autonomise, qui le » sort » de ses dépendances…
Juste un pas en arrière, ce n’est pas loin d’être à côté avec un regard bienveillant et proche, donc. Il y a de la permission et de la protection dans cette position. Posture qui dégage, un peu, la relation de s’enliser dans la rébellion. Avec notre public, c’est précieux … à adapter selon les âges et les compétences. Bien sur.
La psychothérapie, pourquoi ?
Se libérer de l’égo
Il se peut que cette construction mentale de l’idée que nous avons de nous-même, notre égo, nous gouverne. De même, nous verrons l’autre dans une construction que nous avons faite d’elle, de lui. De là naissent, se cultivent les ressentiments qui font le lit des conflits, des racismes… et autres …ismes.
Nous avons à découvrir ces adaptations, concessions, sur-adaptations que nous avons faites pour coller à cet égo, si peu nous.
Dans ce monde de l’image, cette dérive se renforce et nous pourrions privilégier les rencontres qui soutiennent et nourrissent notre égo. Les algorithmes, GAFA sont à l’affût et servent. Il nous ferait acheter des extensions de notre frontière narcissique.
Il nous faut commencer par nous découvrir, tel que nous sommes et que nous même nous ne percevons pas. La quête d’autonomie débute là où nous sommes capables de renoncer à l’image de nous construite pour plaire, pour bénéficier des soins en famille, pour anticiper ou calmer les colères d’un autre.
Quand le dialogue avec l’autre avec lequel nous vivons ne l’autorise pas, parce que les égos de l’un nourrissent celui du compagnon, de la compagne, si la méditation ne suffit pas, la psychothérapie peut nous y aider. Luc F.
A suivre sur #Eckhart_Tolle https://youtu.be/Wwx7ZtCyrgs
Transmission intergénérationnelle

« … ce serait terrible d’avoir à commencer sa vie par la punition pour des choses que je n’avais pas encore faites »
Ce roman de Dimitri Rouchon-Borie (Le tripode, 2021) sort d’une plume qui tient une rubrique de chroniques judiciaires pourrait être lu et commenté dans les auditoires de candidats travailleurs des secteurs psycho-médico-sociaux qui se destinent à l’accompagnement de jeunes en grandes difficultés psychologiques. Duke, son héros, en fin de vie, écrit ce récit de sa cellule de prison. Il est né « puni ».
Il revisite toute son histoire faite de maltraitances, de viols, de violences de privation, d’humiliations. Ce genre d’histoire nous renvoie à ces anamnèses qui parfois font vomir les professionnels les plus expérimentés. Duke qui découvre sur le tard qu’il a un prénom rencontrera des personnes qui lui font découvrir le bien, l’amour, l’« aimantée» Billy, une rencontre amoureuse qui ressemble à celle qu’il eut avec sa sœur, une institutrice bouleversée et empathique, assistante familiale authentiquement aimante… Les forces démoniaques qui l’habitent l’amène à commettre des actes épouvantables qui justifient la perpétuité.
Dans sa cellule par l’écriture il analyse son parcours. Nous découvrons une capacité d’humanité, de don de soi, quasi christique, que peu de personnes ont pu saisir. Ce roman très émouvant nous illustre l’urgence d’aider les professionnels de l’enfance à tenter de lire l’invisible, l’indicible de la transmission. L’horreur pourrait cesser avant que ces jeunes ne deviennent adulte.
Avec « Bord de mer » de Veronique Olmi, deux romans à faire décortiquer par les futurs Juges, psy, éduc spé, TS, AF, Référents et délégués, enseignants afin d’exercer leur attention sur ces échanges, ces non-échanges, ces non-dits et ces appels …ces rencontres manquées qui conduisent des enfants, des familles aux drames
La comptabilisation des actes dans les secteurs de la santé mentale. Le risque de glissement vers la quantophrènie, et l’essoufflement du « prendre soin »
Le politique a besoin d’évaluer l’impact de ses investissements dans les secteurs subventionnés, hôpitaux, SSM. J’ajoute qu’il est important que les devoirs de comptabilisation n’affectent pas le « prendre soin », le care « enveloppant », l’humanité qui fait lien et soutient le soin.
Les devoirs imposés glissent vers des logiques gestionnaires. Elles rencontrent les besoins de sécurisation sur l’utilité, le rendement des investissements des politiques et des directions économiques de services subventionnés. La culture de l’évaluation est sans conteste la bienvenue. Je signale le risque qu’elle pourrait bien répondre aux besoins des décideurs en créant dans les services un sentiment d’être invité à se presser.
Ce sentiment abime le « prendre soin » quand il ne l’écrase pas.
Bien malgré moi, coincé dans une chambre d’hôpital, j’entends la conversation entre une infirmière et un délégué du personnel. Elle lui fait remarquer que dans le logiciel d’enregistrement des actes, il n’a pas été pris en compte le temps de déplacement entre la salle de garde et la chambre du bout du couloir. Remarque qui traduit que l’empressement à réaliser l’acte permettra de récupérer le temps imparti pour satisfaire la rigueur du logiciel.
Lors d’une visite que j’ai effectuée dans une vaste institution pour personnes en grands besoins de nursing et de mobilisations physiques, j’ai vu de magnifiques locaux, type Snoezelen. Quand j’ai interrogé sur la fréquence d’utilisation pour un usager, on m’a signalé le fossé entre le projet de service et la réalité en raison du niveau d’absentéisme chronique du personnel.
Les nomes ISO font pourtant briller les annonces, les flyers dudit service.
L’accès au soin dans son enveloppement par le prendre soin est donc mensonger.
L’humanisation du soin n’est-elle la condition de son bénéfice, de son succès.
Ces questions nous placent au pied du mur de l’éthique du soin. Nous nous rassurons de trouver l’acte de soin dans les statistiques, graphiques et autres fromages. Le doute sur la qualité du soin tronqué du temps du prendre soin n’y apparait pas.
S’ajoute à cela, que les données cliniques transmises aux autorités (en vue d’ajustement des politiques de soins aux données épidémiologiques) restent parfois au frigo de l’administration en manque d’équipements pour les faire parler. Non seulement les soignants se trouvent privés de follow up utiles pour faire progresser leur projet de service, mais cette absence décourage la mise en œuvre de l’évaluation.
Un obstacle à questionner tant du point de vue politique qu’éthique.
…du pouvoir d’agir
Partir, le choix de l’euthanasie
Un récit, bref et dense. Amour intense, attachement et amitié. Anne raconte l’accompagnement de la fin de vie de son mari Patrick, atteint d’un maladie intraitable et dégradante. Français du Nord, il décide de traverser la frontière et se rend à l’hôpital à Bruxelles où il avait été reçu alors qu’il était encore capable de s’y rendre seul, trois mois plus tôt.
Après avoir été éducateur référent à l’ ASE, Valenciennes, #Patrick_Dugast s’est formé à la thérapie familiale. Il a initié sur Valenciennes la clinique de concertation avec le soutien de Jean Marie Lemaire, Psychiâtre belge concepteur de cette modalité d’intervention innovante. Résumons là en disant que la famille active le réseau d’aide dont elle a besoin, professionnels ou non. Patrick avait acquis ce savoir être qui rend l’intervenant très humble. Champion de la position basse à la façon d’Etienne Dessoy, autre ami, qui sait comment l’humilité est tout à la fois éthique et technique au sens ou elle soutient, chatouille le pouvoir d’agir de ceux qui le consultent. Avec Anne, son épouse, et Patrick Grave, nous avons élaboré sur les postures, les gestes, le langage qui nous lient aux familles dont les enfants font l’objet d’une mesure de protection de l’enfance tout en prenant en compte la réalité des professionnels mandatés pour assurer les missions des services d’investigation, d’intervention en familles et de service gardien. Avec la même nécessité de soutenir les uns et les autres, convaincus que d’aider à la sortie des affrontements conduit le système à un meilleur exercice de la parentalité, de la responsabilité, de la permanence, de l’autonomie… nous aurions qualifié ce travail d’un accompagnement de tous vers un exercice plus sain, plus harmonieux de leurs compétences de citoyen. A l’époque, directeur du COGA (ITEP-MECS) en Belgique, j’exerçais déjà de la guidance familiale. Aujourd’hui, je me consacre pleinement à cette activité profondément porteur de ces valeurs. J’y ajoute de l’accompagnement d’équipe apparenté à la supervision, l’analyse de pratique, le conseil et la formation. Chaque fois que c’est possible, dans la formation je me fais accompagner de familles qui se trouvent ainsi (re)qualifiées dans un processus de co-formation. A Patrick, à ces familles, à la volonté de nombreux acteurs psycho-sociaux je dois les savoirs, savoir faire et savoir-être que je mets au service de la communauté.
En lisant le récit d’ Anne, son épouse, il vous apparaitra où Patrick cultivait cet amour qu’il n’hésitait pas à partager. Il m’ont largement ouvert leur maison qui fut pour moi une oasis dans les déserts qu’il m’arrive de traverser. Des repos indispensables quand on pratique la relation d’aide. Dimension secrète, peut-être. Mais un regard que les institutions ne peuvent méconnaitre.

Avec et après les parents, l’école participe à la construction psychique de l’enfant… elle en prend soin.
Construction qui s’élabore sur un lien affectif. L’enseignant n’a-t-il pas le pouvoir de donner une image complémentaire, nouvelle peut-être, de l’enfant aux parents.
Le sachant, l’enfant voit en lui une personne à qui « plaire ». Il se peut qu’il le place dans la sphère du silence.
L’enfant entre dans cette nouvelle relation en transférant sur le maître, l’enseignant les émois, les affects (+ et -) avec ses croyances sur l’adulte, ses soumissions, ses oppositions passives, ses rebellions… expérimentées en famille.
Cela s’installe « bien malgré soi » pour l’un comme pour l’autre, un lien particulier. Ce qui fait de l’école bien plus qu’un lieu d’éducation et d’instruction, sur lequel elle se replie régulièrement.
La classe est le premier lieu, hors de la famille, qu’intègre l’enfant. Premier lien qui pourra, ou pas, voir, entendre, sentir, lire…toucher du doigt des détresses cachées, secrètes, refoulées.
Elle ne peut y rester sourde.
L’actualité sur les dommages du covid, les (r)éveils de #metooinceste, qu’elle l’accepte ou non, font de l’école le premier lieu après la famille où l’enfant pourrait s’ouvrir et se libérer.
Encore faut-il que le climat s’y prête, les cœurs ouverts et tous les sens, exercés et contenants, sans s’en protéger derrière la fonction enseignante. Qu’elle aime ça ou pas, cela fait de l’école un lieu de l’amont du soin, en cultivant le « prendre soin » de l’enfant dans sa globalité, de l’être « holistique » de l’enfant et des siens.
Cela donne des devoirs aux PO comme aux administrations et politiques de soutenir cette fonction par la formation et par les appuis d’acteurs de santé mentale. L’énergie qu’on y consacrerait pourrait bien baisser sensiblement les épreuves vécues et le coût des soins quand les douleurs dorment trop longtemps au plus profond de l’être.
L.F.