
Réduire le nombre de placements dans les mesures de Protection de l’Enfance.
C’est l’ambition de cette analyse.
Elle ne propose pas de nouvelles créations. Elle s’appuie sur une mise en oeuvre différente de ce qui existe.
Les mots ont leur importance. Ainsi Protection Judiciaire de la Jeunesse est vécu par les familles concernées comme une agression.. La question serait-elle qu’il faudrait protéger les enfants des parents ? Oui, parfois, et il est heureux que des Magistrats, des professionnels en aient le courrage.
Dans toutes les autres occasions ce vocable mal reçu contrevient à la volonté de mobiliser le pouvoir d’agir[1]des parents, de la famille. C’est bien sur cette force qu’il convient de revisiter nos pratiques. Cela exigera de la part de nombreux acteurs une modification, parfois à 180°, de la posture professionnelle qu’ils adoptent.
Les acteurs doivent devenir champions de la position basse si l’on souhaite atteindre les objectifs de la mobilisation des parents et de la famille.
Tout ne démarera qu’ à la condition que les pouvoirs de tutelle de ces acteurs, leurs ministres ( secteur de l’Education, de la Santé Mentale, du Handicap, de la Justice, de la Culture et des sports, de la jeunesse, Logement, Solidarité…) oeuvrent ensemble sur les questions qui touchent aux familles sensibles, en difficultés sociales, psychologiques, économiques…
La transversalité[2]doit être aux commandes. Un ombudsman, un secrétaire d’Etat doit se voir confier cette tâche de vérifier que les dispositions, réglementations, décrets et lois qui effleurent ce secteur ne viennent pas faire obstacle à l’intervention du champ voisin.
Un état d’esprit dont nous espérons que par phénomène de cascade il rejaillisse sur les acteurs au plus près des familles et des enfants concernés.
Une culture qui mette en marche à chaque niveau l’inter-institutionalitéindispensable à la réussite des familles et des des TS. (Travailleur social)
A cela doit s’ajouter l’inter-disciplinaritédans les services, dans les actions menées auprès des familles, de leur environnement.
C’est dans cette pratique de réseau qu’il sera possible d’expérimenter que mieux mon partenaire travaille, mieux je réussis, plus la famille met en oeuvre le pouvoir d’agir dont elle est capable si le système autour d’elle lui en laisse le temps, la considération, l’investissement, l’engagement des acteurs et le nécessaire lien, clé de voûte de la relation d’aide.
Isolé, le TS risque fort de s’enliser avec la famille dans des actions mues par l’autoréférencement, le jugement, la condamnation …qui conduisent, par souci de protéger ou de se protéger, vers le placement censé sécuriser.
L’acteur le plus fragile est sans doute le Juge de la Jeunesse [3]. Le magistrat oeuvre dans l’isolement et la solitude. Il n’est donc pas forcément « sécure ». Privé de lieu de concertation, de croisement de regards, de participation à des réunions de synthèse, réunions cliniques pourrait bien à son insu opter pour des décisions qui protègent bien plus que nécesaires. « Coincé » au Palais il lui est difficile d’ajuster ses décisions à ce que les services sont en réelle capacité de mettre en oeuvre. Il existe une distance entre le texte et la mise en oeuvre d’une mesure censée protéger. Le risque d’étouffer d’entrée de jeu le pouvoir de la famille est donc accru dans ces cas.
Comme les TS, les Magistrats se plaignent souvent de solitude. Ils perdent en reconnaissance, en co-formation et risquent de se narcissiser professionnellement par des actions qui freinent, bloquent, retardent…
La composante temporelle est capitale. Nous savons que de nombreuses mesures édictées, souhaitées et acceptées lors de l’audience tardent à se mettre en oeuvre. Les familles nous disent souvent que la « photo de familles » en possession du Tribunal, du SPJ est inchangée lors du repassage annuel, bisannuel en audience.
La famille, experte du vécu
Quand elle laisse entrer le TS chez elle, quand il a accepté le café qu’elle lui offre, le TS ne peut pas encore déclarer qu’il obtient sa confiance. Or le TS travaille trop souvent sur cette illusion. Les familles qui s’expriment au sein d’une association[4]de parents déclarent qu’elles n’ont pas confiance. Déshabiller le TS de la représentation de bras armé du Tribunalnécessitera un revirement complet de la posture de « sachant » avec lequel est entré le TS quand il est désigné pour rendre des comptes sur l’évolution de la famille par le SPJ et le Tribunal (Dans quelques occasions par le SAJ également). Probablement à son insu, le TS porte le costume d’inspecteur.
La famille se soumet. Elle est dans la suradaptation. Elle ira jusqu’à plaindre le TS de la surcharge de travail qui transparait à travers la difficulté d’entrer en contact avec lui, une fois les présentations faites. Ce défaut de disponibilité que découvre la famille est traduit, soumis à des déformations induites par les phénomènes de « transfert ». L’objectif de la famille est de restaurer au plus vite l’image ternie qui l’identifie à la lecture du jugement. Elle est en capacité de dévoiler le contexte émotionnel dans lequel émergea un un signalement , une demande d’aide qui vient de basculer en contrainte. Mais elle évitera le risque d’ajouter aux craintes du TS ou, tout au contraire, elle retardera la rencontre en maintenant à distance le TS, par un langage gestuel hostile, un langage agressif, bref une armure défentielle.
Ainsi installée la relation d’aide prend l’eau de toutes parts. Si l’application de la mesure s’élabore dans un tel état d’esprit il devient un instrument d’avillissement de la famille. Si les professionnels y entre en position basse, laissant à la famille déployer ses compétences, en sécurité la mise en application de la mesure devient alors un outil précieux pour la famille plutôt qu’un outil de contrôle qu’elle s’employera à trafiquer.
Aujourd’hui, il convient de considérer les familles confrontées au systèmre protectionnel comme partie prenante des débats organisés dans la transversalité. L’entrée des associations de parents dans les conseils d’avis des administrations concernées signerait un heureux changement culturel.
Equiper le Travailleur Social [5], TS
Le succès de la relation d’aide passe par l’exercice de la tiercité. Tant au sein d’une équipe que dans l’interinstitutionnalité exposer son travail au regard de l’autre est un e nécéssité. « Tu peux voir de moi ce que je ne peux voir moi-même…et je te remercie de m’en faire cadeau » … Le concept sous jacent qui doit présider ces rencontres professionnelles est celui de la tiercité circulante. Nous sommes tour à tour dans cette position d’offrir ou de recevoir ce cadeau. Oui, mais…voilà qui va à contre-sens de la culture ambiante du respect et de la bonne distance relationnelle. On ne va pas se froisser. Une frilosité dont la famille recevra la facture à l‘insu de chacun. Nous devons au contraire miser sur la bonneveillance et former, accompagner les équipes et les lieux d’inter-institutionnalités, telle la JPT[6]pour modifier la culture. Je compte sur ce croisement généreux et authentique des regards de sorte que par phénomènes de cascade ce prendre soinrejaillisse sur les familles que nous rencontrerons.
Donner une équipe au TS pour délivrer la rencontre des aspects transférentiels, des résonnances est bien plus que la cerise sur le gateau. Il s’agit là d’une impérieuse nécessité qui à aussi pour éffet de prévenir du burnout.
L’écoute des familles révèle la patience qu’on exige d’elles quand elles comptent jusqu’à 10 intervenants différents depuis leur première rencontre avec le service AMO, COE, SAJ, SPJ.
Guidance Familiale [7]
Il y est question d’accompagner la relation entre les TS et la famille. On le sait, entre un idéal d’approche professionnelle et la réalité, il y a l’humain. Les prérequis exposés ici peuvent rendre indispensable l’intervention d’un binome aux compétences thérapeutiques pour sortir familles et services de postures figées dans la prudence, dans la méfiance et parfois même dans la peur. Mais aussi la banalisation, la méconnaissance[8]. L’invitation symbiotique qui consiste à faire participer le TS au système familial. Cela le rend impuissant voire même co-participant d’un immobilisme, de résistance au changement et celà peut aller jusqu’à épouser aveuglément des fonctionnements toxiques de la famille.
Association de parents d’Enfants placés. A mettre en place
Les approches help self ne sont pas à démontrer. Dans ces lieux construits, dirigés par des familles avec le concours de professsionnels, éducateurs, thérapeutes, TISF … les familles se mettent au services des familles. Rien de plus efficace pour déconstruire les représentations anesthésiantes que se font les uns sur les autres. Si d’aventure l’association, (comme c’est le cas depuis 1O ans à Valenciennes) , anime des groupes de co-formation familles/professionnels cette déconstruction s’accélère et le pouvoir d’agir des familles et des professionnels se libère. On entre alors dans une co-construction sociétale qui s’appuie sur l’égalité de citoyeneté et d’humanité. Un bain bienveillant dont les uns et les autres ressortent mieux équipés. « Ici j’ai découvert que je sais parler sans retourner la table et aujourd’hui, j’entre rassuré dans la salle d’audience sans aboyer, agresser et je m’autorise à parler devant le Juge » Performance découverte devant des professionnel qui déclare « J’apprend de vous les familles, je découvre des réalités émotionnelles auxquelles je n’avais pas accès ». Cette rencontre est devenue processus de co-formation. Une formation permanente pour les professionnels qui déployent leurs écoutes, de l’autre et d’eux-mêmes. Un lieu d’ intégration pour les familles qui se vivaient depuis longtemps à la marge d’un système qui les régurgitent et vice et versa.
Réseau
Ecole et SSM, SAAE, COE, SAJ, SPJ, IMP140, Pédopsy ambulatoire et hospitalière et les réseaux
pedopsy ont des fonctionnements aussi distants que ne le sont leurs pouvoirs de tutelles les uns par rapports aux autres. De plus ils fonctionnent entre eux en sysmétrie comme dans les rapports des institutions avec les familles. Une réorganistion de l’accueil familial, AF, à l’instar de ce qui se fait dans les PFS serait bienvenue. Leurs paroles doit se libérer, elle doivent trouver ce processus intervisionneldont ont besoin les TS. Avec les jeunes qui arrivant à la puberté escaladent dans les troubles de l’attachement [9].
Etayées par les asbl de placement familial, en partenariat avec les lieux d’hébergement, les Familles d’accueil traverseraient mieux les épisodes de crises où le jeune découvre qu’il détient le bouton du siège éjectable et que les troubles psychiques qu’il exprime l’incitent à tenter l’exclusion. En ce cas, là commence le parcours infernal de déplacements.
Face à ces troubles, il convient d’organaiser le TENIR qui est le fondement de la guérison des troubles de l’attachement. Cet accompagnement devrait se faire entre plusieurs partenaires qui ensemble signent l’engagement sur la durée de sorte que l’on évite de donner à ces jeunes la prime aux symptômes qui le conduiront à la marginalité , au shopping de l’accueil, à la rue , à la psychiatrie et parfois à la prison.
De même, les aides familiales , première ligne, ont besoin d’être équipés et de participer à un travail de métabolisation des émotions, des troubles du comportement dont elles sont témoins.
Contenance
Cette capacité d’accueillir l’autre avec toutes ses émotions en est la condition. Elle s’édifie sur la mise en marche de la tiercité et de la co-formation. Ces dernières participent à l’équipement du travailleur social qui élargit sa capacité contenante à l‘expérience et à l’équipement de l’autre champ sans que l’enfant ne devienne l’objet déplacé. Cequi, soit dit en passant, conforte et spécialise l’enfant dans l’expression et le rendement de ses troubles de l’attachement. Et nous voilà devenus partenaire. Mais je le rappelle, la pratique de réseau ne se décrète pas, elle se tricote à partir et avec la famille et elle a un coût. Ces nouvelles stratégies s’opérationnalisent trop peu. Et la contenance doit aussi être celle des services à l’égard de leurs acteurs professionnels ainsi que des services entre eux.
Luc Fouarge
[1]Concept développé par http://www.reseauculture21.fr
[2]Cfr GT AWIPH « Jeunesse et transversalités » 2006
[3]Juge des Enfants
[4] Association de parents faisant l’objet d’une mesure judiciaire ou administrative à l’égard de leur(s) enfant(s)… à créer.
[5] https://lucfouarge.com/formations
[6]Jardin Pour Tous, locaux et faitier
[7]http://guidancefamiliale.com
[8]Processus actif et non conscient de non-connaissance.
[9]NP RYGAARD, L’enfant abandonné : Guide des troubles de l’attachement – De Boeck