
Mère et toxicomane… témoignage
Lecture utile pour les soignants, les accompagnants de personnes malades d’addictions aux drogues.
Merci à Madame Borzi pour ce témoignage d’une force extraordinaire.
Le lien, élément premier du soin baigne dans un doute permanent et prend vite des allures paranos. La personne malade agit comme si elle se détestait, elle suscite cette détestation qu’elle perçoit et qui la confirme dans une position existentielle détestable.
Le refus de lui mettre le bébé sur la poitrine à la naissance, choix étayé par un protocole, questionne bon nombre de pratiques soignantes. S’attarder sur ce qui se passe à ce moment précis interroge la posture de corps médical, les personnes qui sont témoins de cette scène et la maman qui ressent à pleine puissance cette détestation qui l’enferme encore un peu plus dans ses croyances toxiques.
Épisode qui chamboule une sage-femme. Elle deviendra ce lien. Elle a pu parler avec elle. Comme l’écrit E De Luca, « tu t’assieds, tu me parles, tu es une personne et tu me fais devenir une personnes » ce qui est bien loin des rencontres très calibrées, contrôlées de soignants privés d’une lecture de leurs « résonnances ».
La lutte entre l’amour de son enfant et la « nécessité » de l’usage du produit est si insupportable qu’un arsenal de précautions à la véritable rencontre, marquée de suspicions, comme on se protège du covid, effiloche le lien ingrédient du soin.
L’héritage, l’intergénérationnel est en filigrane et nous comprendrons que la mère de Samanta, enfant placée violemment pèse dans ce qui la conduit 20 ans durant dans les pires horreurs …et plein de découvertes qu’il serait utile de partager en équipe.
Privé d’exploration sur nos résonnances, en équipe et en supervision, nous pourrions être sidérés par les mille faux pas de Samanta malade et ainsi nous priver de nous centrer sur les besoins de l’enfant qui devra grandir en terrain miné d’abandons, de ruptures, d’angoisses, d’idées fausses sur sa valeur… c’est dans la mesure de notre empathie à l’égard de sa mère que l’enfant puisera des réassurances sur sa propre estime de soi.
La protection de l’enfance accueille de nombreux enfants confrontés à un sevrage dès la naissance. Il développe des troubles neuropsychomoteurs, comme les TDHA, on les gavera de Ritaline ou Rilatine selon… Cette inscription dans un vécu commun à l’égard de leurs parents, de la mère en l’occurrence crée un poids commun à porter à deux. Bien avant cela, celle-ci vivait des sentiments de culpabilité. S. Borzi décrit très bien ces épisodes qui avec cette expérience commune les lient de façon particulière. Les absences qui résultent de soins, parfois fait à l’abri de la mère comme nous le raconte Samanta, font caisse de résonnance de cette forme d’attachement insécure, désorienté. S’ajoute le besoin de l’un et de l’autre, plus tard, de tenter de réussir à sauver l’autre. Un profond sillon dans lequel les deux s’enfoncent. Les protocoles trop sévères, qui perdent par la nature des blessures qu’ils activent, amplifient ce lien ravageur. Si chacun d’eux a besoin de cheminer, ajouter à leurs blessures de séparation, d’abandon, les ancre dans cette fusion toxique de la responsabilité de la guérison de l’autre. L’échec de l’enfant est fatal. Il sent qu’il n’est pas bon, assez. Il devra en remettre quelques couches de symptômes pour illusoirement être reconnu, entendu.
Ce qui s’est imposé à la relation de Samanta et de son fils est illisible pendant qu’ils vivent cette « punition » dont nous souhaiterions qu’elle soit vécue comme une protection. Mais je vous l’accorde, il n’est pas facile de manifester de l’amour à quelqu’un qui s’autodétruit sous vos yeux impuissants.
Luc Fouarge