Co-formation : « Penser les bonnes pratiques de travail avec les familles en accueil résidentiel pour jeunes ». Une équipe d’accueil, éducateur, maitresse de maison, chef de service avec 4 parents d’enfants « placés ».
Deux journées de travail, l’une avec l’équipe pour les ouvrir à ce processus, à la seconde nous invitons les parents. Une maman, ancienne pupille de la nation, une grand-mère et un couple de parents dont les enfants séjournent dans le foyer. (MECS ou SRG)
L’objectif est, vous le constaterez, est bien de décoincer parents et professionnels des représentations bloquantes, de permettre aux professionnels d’expérimenter « la position basse » nécessaire pour soutenir le pouvoir d’agir des familles.
Ces quatre personnes rencontrent des difficultés dans l’accompagnement du travailleur social du service mandant. Schéma fréquent face à des représentations négatives des familles à l’égard des professionnels de la protection de l’enfance[1].
Dans l’introduction de cette seconde journée je fais appel à l’expertise du vécu des familles. Une douleurs, des ressentiments que les professionnels ne peuvent qu’imaginer. Je les invite également à participer à ce travail considérant que cette démarche permettra de développer le pouvoir d’agir des familles et des membres de l’équipe. Et l’on entend dire : « Vous nous aider à prendre la mesure des douleurs que vous avez endurées. »
Le tour de table de présentation permettra déjà d’expérimenter combien je soutiens cette expertise et ce pouvoir d’agir des familles. Quand il s’achève un climat de respect, d’intérêt, de curiosité, de souci de développer le métier d’accueil fait jour.
Le questionnement sur les modalités d’accueil, comment, avec qui l’enfant est arrivé au service met en lumière les méconnaissances des professionnels face à la torpeur des parents dans ces moments qui dureront jusqu’à un mois avant qu’elles se sentent capables de venir rencontrer les enfants. D’autant plus fort pour cette famille ou le départ prit la forme d’un enlèvement sauvage, brutal.
Le sentiment de colère cache mal les sentiments de honte des parents. Une barrière énorme dont les professionnels découvrent la densité, d’autant que cette charge émotionnelle est tue. Les travailleurs sociaux se montrent absents durant cette période de détresse. L’empathie est au maximum à l’égard des enfants tandis que dans ce moment les parents auraient plutôt l’air de confirmer leur « incapacité » d’empathie. Nous découvrirons que ce jugement rapide freinent la collaboration familles/éducateurs et confirme les sentiments d’inaptitude, de carence.
Les représentations négatives s’évanouissent dans les échanges. Ce temps de collaborations sera repéré comme un des axes de travail d’autant plus essentiel que dans ce grand chambardement familial personne n’est désigné pour accompagner les familles.
Une entrée en matière qui génère un grand sentiment de plaisir de penser ensemble sur ces partages qui questionnent les places des uns et des autres. Le repas pris ensemble dans la brasserie d’un centre commercial en devient une fête.
Rapidement nous découvrirons que les familles compensent la légèreté, l’absence d’accompagnement qui leur est destiné par l’excellence des échanges des parents avec les éducateurs. Une maman met en évidence l’importance qu’elle donne à l’éducatrice de sa fille.
Nous ne nous enliserons pas sur la question du transfert dans cette situation. Cette même maman qui annonce qu’il ne faut pas lui parler psy ni des psy, tente de minimiser l’impact de ces bouleversements sur sa fille, affirmant qu’elle ne souffre pas de la situation.
De cette rencontre la jeune fille pourra mesurer que son éducatrice peut la relayer dans certain dévouements qu’elle exerce en faveur de sa mère.
Dans le climat positif de recherche d’excellence dans la rencontre foyer/famille, dans l’accusé de réception des compétences que mettent en exergue les éducateurs cette maman
accepte d’envisager que sa fille pourrait lui « cacher » sa souffrance et qu’avec l’aide de son éducatrice elle se libérerait d’évoque tout cela à trois, voire même avec l’aide d’une personne qualifiée.
Voilà que les éducateurs expérimentent que ce « prendre soin » de la famille, ce « cure » dans la rencontre pourrait bien les conduire à passer de l’action éducative à la clinique éducative. Tandis que les parents prennent eux-mêmes du soin dans cette rencontre. L’alliance se crée, le soin de l’enfant de co-construit, l’amour est autorisé.
Dans cette rencontre le processus se met au service du contenu. Écoutées, les familles se découvrent des qualités et compétences enfouies tandis que l’équipe trouve dans cette rencontre de quoi alimenter cette nécessaire question du sens de la profession. Cet échange d’humanité a été repéré par les participants… dans l’égalité de citoyenneté.
Le chemin parcouru par les uns et les autres pour rencontrer l’autre dans cette co-formation est fortement ressenti et s’exprime dans le tour de table final de feed-back de la journée.
« Tu t’assieds, tu me parles, tu es une personne et tu fais de moi une personne » Erri De Luca,
Luc Fouarge
[1] Ne passerait-on pas de Protection de l’Enfance à SFPE, Soutien à la Famille, à la Parentalité et à l’Enfant.